LA PETITE CHARTREUSE
Posté par lryf le 19 octobre 2010
Un texte de Pierre Péju
Eva est une enfant de dix ans. Elle vient de déménager et fréquente depuis peu son école. Il est seize heures trente en ce jour pluvieux de novembre : c’est l’heure où les parents et les enfants ont la joie de se retrouver devant les grilles. La mère d’Eva, elle, arrive souvent en retard….
Ce jour-là, Eva se sent de plus en plus mal entre les imperméables humides, les parapluies dégoulinants. Son coeur cogne douloureusement et elle plisse les yeux afin de découvrir, à l’autre bout de la rue, la seule présence qui lui importe. Non ! Rien que des silhouettes qui s’éloignent. Aucune dame qui pourrait être maman ne vient par ici. Le silence comme une brume qui s’épaissit. La porte de l’école est close, et comme Eva n’a rien osé demander à la dame en blouse bleue, elle ne peut que s’abriter sous le porche. Nerveusement, elle se hausse sur la pointe des pieds et commence à remuer comme une bête affolée. Elle s’accroupit, grenouille triste, résignée, grenouille écarlate. Elle soupire, se redresse, se gratte la cheville. Elle sait qu’elle connaît très mal l’itinéraire entre l’école et l’appartement qui n’est pas très proche. Un appartement où sa mère et elle n’habitent que depuis deux mois.
Les yeux noirs d’Eva scrutent de plus en plus vite toutes les directions. Cette fois, elle a entendu sa propre voix prononcer « maman ». Toute personne qui approche se révèle insupportablement étrangère. C’est elle là-bas ! Non ce n’est pas elle !
Détresse sur ce trottoir hostile, avec cette fissure pleine d’eau dans l’asphalte et ce journal trempé, froissé, au bord du caniveau. Sensation confuse de n’être plus rien, d’être invisible.
Brutalement, la petite s’arrache au mur auquel elle était adossée et part en courant. Eva, si maigre, si peu résistante, court à travers la ville avec ce cartable bourré de livres qui lui frappe les reins. Les trottoirs sont glissants. Les feux des voitures font de grandes étoiles rouges dans ses yeux inondés de larmes. Tout est brouillé. Sans le vacarme de la ville, on pourrait entendre la plainte qui coule de sa gorge tandis qu’elle traverse, sans ralentir, sans regarder à droite ni à gauche, une rue puis deux, puis trois ou quatre, au hasard.
Eva court au-delà de ses forces, le souffle lui manque. Gorge brûlante, jambes douloureuses, et ce cartable si lourd qui la ralentit, qu’elle voudrait jeter par terre mais dont la perte l’affolerait davantage encore.
Une suite de texte imaginée et écrite par Mathilde, 3ème3
La suite est bien écrite malgré les répétitions