LE TEMPLE DE SINAWAVA
Posté par rabelaisblog le 30 mai 2011
Temple of Sinawava
C’était une chaude soirée de début d’été malgré le vent qui s’engouffrait dans la salle de spectacle par la porte entrebâillée. Dans les coulisses, j’attendais fébrilement le début du concert. J’étais l’un des saxophonistes qui devaient jouer ce soir-là dans l’orchestre du conservatoire. Au milieu des instruments qui s’accordaient, je passais mentalement en revue tous les morceaux que je devais jouer.
Il allait bientôt être vingt heures trente et les spectateurs – parents d’élèves, anciens professeurs de l’école de musique ou bien curieux en quête de divertissement – remplissaient peu à peu la salle de spectacles.
Notre chef d’orchestre nous invita alors à le suivre sur scène. Derrière le rideau rouge, je n’osais plus respirer. Lorsque celui–ci se leva enfin, la lumière aveuglante des spots était braquée sur nous. Mon pouls s’accéléra ; et après que le maestro ait compté une mesure « à vide » pour nous donner le tempo, nous commençâmes à jouer.
Les morceaux s’enchaînaient et les applaudissements fusaient. Et enfin, nous arrivâmes au dernier morceau : Temple of Sinawava. De tous les morceaux, c’était celui que je préférais. D’abord mélodie endiablée, il se transformait ensuite en une mélopée amenée à disparaître en une suite d’accords majestueux.
Après les applaudissements du morceau précédent, lorsque le calme revint, un roulement de timbales impressionnant s’éleva, suivi par le chant de l’orchestre…Je ne me concentrais plus sur la mélodie, mes doigts bougeaient tout seuls. Une impression de liberté me submergea, et je m’envolai…Par delà les lignes de ma partition, les croches, les bémols et les soupirs, je voyais…
Je voyais une forêt équatoriale luxuriante, où serpentait un long fleuve scintillant dont le lit ondulait entre les arbres centenaires. Tel un animal, je me glissai dans cette immensité faite de feuilles et d’écorces, cet océan de verdure qui semblait ne jamais finir. Soudain surgit dans mon champ de vision une construction, une pyramide à étages semblant transpercer les nuages. Le soleil se trouvait juste au-dessus d’elle, la nimbant d’une aura dorée…
Mais le son de l’orchestre se tut, et le mirage s’estompa. Je revins à moi, éberlué par cette vision surgie de quelques accords, rythmes et silences. Le silence…Celui qui régnait alors dans la salle était étrange…On eût dit que le temps était suspendu. Et lorsque le public le fit enfin redémarrer, ce fut avec un tonnerre d’applaudissements.
Une vague de chaleur m’envahit. J’avais la gorge sèche et j’étais vidé de toute énergie, mais cela n’avait aucune importance : j’étais ivre de bonheur. Les spectateurs frappaient maintenant des mains en cadence. Ils scandaient un mot, un seul mot : encore. Nous avons rejoué le morceau peut-être une, deux, trois fois…
Enfin, les spectateurs commencèrent à refluer. Ils sortaient de la salle tout en commentant le concert. On entendait au passage des remarques comme « Très joli ! » ou « on reviendra l’année prochaine ! ».Cela faisait plaisir à entendre ! Quant à moi, je rangeai mon instrument en vitesse et courut à la rencontre de ma famille :
« Alors, cela vous a-t-il plu ?
C’était superbe, répondit ma mère, les yeux brillants ».Puis ma grand-mère ajouta, un sourire taquin sur le visage : « Tu sais, les filles aiment bien la musique. En jouant ainsi, tu trouveras facilement une fiancée ! ». Et personne ne put réprimer un petit rire moqueur.
Et c’est donc le rouge aux joues que je me dirigeai vers la voiture qui me ramènerait chez moi, par cette chaude soirée de début d’été, que seul un petit vent frais venait troubler.
LEO, 5e3
Bravo Léo! Ton style d’écriture est impressionnant !
Bravo Léo et les images ajoutées sont absolument magnifiques, l’accompagnement musical ajoute un élément intéressant au texte.
Encore une fois, continue d’écrire, je pense que tu as « une qualité d’écriture particulière »